Plus d’émission sans son « hashtag », 356 000 tweets pour la prestation des candidats lors du débat de l’élection présidentielle, The Voice, émission phare de TF1 le samedi soir, bat tous les records d’audience sur … Twitter. Tous ces nouveaux usages se vérifient au niveau mondial en corrélation avec le taux d’équipement des foyers et l’utilisation des réseaux sociaux au quotidien.
La manière dont la télévision est distribuée, consommée, mesurée, appréciée opère sa mutation en France comme partout ailleurs. Cette évolution, plus tardive et moins sévère que celle que subit la presse écrite, accélère les initiatives transmedia. Plusieurs raisons à cela :
- De nouvelles habitudes liées aux nouvelles technologies : le « multitasking » par écrans interposés. Les français ont un des meilleurs taux d’équipement par foyer en mobile, tablette, TV connectées.
- La maturité des usages sur les réseaux sociaux les plus populaires et l’apparition de nouvelles formes de partage des programmes via des applications dédiées.
- Réseaux sociaux et télévision : une pertinence dans le divertissement, l’actualité, le débat, l’instantanéité, le partage. Cela redynamise l’expérience télévisuelle en influençant la façon dont les programmes sont élaborés.
- Des nouveautés applicatives, technologiques, de acteurs puissants venus du web qui transforment l’offre audiovisuelle, émiettent l’audience des chaînes traditionnelles. VOD, SVOD, streaming, fournisseurs d’accès producteurs, et bientôt Youtube TV…
- Enfin l’appropriation naturelle des professionnels du divertissement et de l’actualité aux techniques social media. Les journalistes, les animateurs, les artistes et people sont très présents sur les réseaux.
Une consommation multitâche, multi-écrans
90 % de la consommation de contenus media se font aujourd’hui par écrans interposés : PC, TV, Tablette, Smartphone, consoles… Tout au long de la journée, nous utilisons alternativement ou simultanément nos appareils connectés.
Le basculement vers une consommation mobile est en marche ! Contrairement à la presse, la télévision traditionnelle ne subit pas de chute d’audience drastique.
De la multiplication des appareils connectés proposant contenus et partage, à l’apparition de nouveaux comportements (replay, VOD, streaming ou même le téléchargement illégal), le paysage télévisuel a bien changé. La France suit le mouvement : selon une étude du CSA-NPA Conseil parue en Novembre 2012, 76 % des français regardent la TV avec un 2ème écran. Ces multiples points d’accès aux contenus et lieux de discussions ne disparaîtront pas avec l’arrivée en masse des TV connectées dont l’usage reste pour le moment limité aux jeux en ligne, à la navigation sur Internet ou au téléchargement d’applications. (Voir Prédictions 2013 Deloitte).
Les implications sont importantes et les notions de premier et de second écrans s’effacent. Les usages sont tellement diversifiés qu’il n’y a d’autres choix que de multiplier les points de rencontre et de créer avant, pendant et après les émissions des stratégies transmedia engageantes. La capacité à regarder n’importe quel contenu sur n’importe quel écran libère le public de la contrainte des grilles de programmes, mais individualise sa consommation. Les réseaux sociaux pallient à cette individualité en créant des conversations, des points de rencontres, de vraies communautés.
Les initiatives Social TV françaises
Les objectifs des producteurs, éditeurs, annonceurs sont multiples mais l’idée générale est de faire face à la mutation des usages, à l’émiettement de l’audience traditionnelle. En bref, créer un modèle économique pour s’adapter à cette mutation.
Plusieurs objectifs :
- Avant l’antenne : promouvoir le programme, créer un premier cercle de public.
- Pendant l’antenne : conserver l’audience, enrichir le programme (faits, chiffres, conversation), accentuer le partage du public.
- Après l’antenne : fidéliser pour les saisons à venir, rebondir, faire durer le temps d’exposition des annonceurs, recalibrer des contenus en ligne.
Tous les programmes peuvent faire l’objet d’actions social TV. Cependant, les formats les plus populaires sont les grands événements rassembleurs (sport, politique), les émissions de divertissements, le phénomène des séries TV, les émissions de magazine / débats.
Il faut multiplier les points d’échange et selon les formats certaines plateformes seront privilégiées :
- Création d’espaces dédiés sur les réseaux sociaux généralistes Facebook, Twitter, Youtube : animation conversationnelle via la création de hashtag / affichage des tweets / appel au vote du public / animation de communauté sur les épisodes futurs, les indices. Pour la série à succès Glee par exemple, chaque personnage principal possède son fil Twitter.
Engagement des communautés des animateurs, artistes et stars à l’image de Nikos Aliagas. #thevoice
Création d’applications spécifiques ou utilisation d’applications tierces dédiées à la TV avec capture et partage d’écran en temps réel. Ici la web App France TV pour suivre le tournoi des 6 Nations, avec capture et partage du programme en temps réel.
Scénarisation sociale et création de contenus enrichis pour le deuxième écran.
La version TV du documentaire d’investigation sur la banque #goldmansachs utilisait seulement 1% du contenu produit. La version pour le second écran et le web a permis d’exploiter les 99% restant. En une semaine, le visionnage en replay du documentaire #goldmansachs a été supérieur à 1 million de vues et le débat s’est prolongé sur les réseaux.
Lors de la dernière émission “Danse avec les Stars”, TF1 a intégré une dynamique Social TV :
- avant l’émission, avec les photos des coulisses et la préparation des stars,
- pendant l’émission, avec un suivi en direct des interactions sur les réseaux sociaux,
- après l’émission, en partageant les réactions des participants et des animateurs.
TF1 estime avoir gagné 800 000 téléspectateurs grâce à cette stratégie. TF1 a ajouté en février 2013 un onglet Social TV à son application myTF1connect, pour augmenter les interactions de l’émission « The Voice ». Le téléspectateur va ainsi pouvoir commenter l’émission et partager des extraits vidéos. Cette application sera étendue en mars 2013 aux directs sportifs avec le match de l’équipe de France de football contre l’Espagne.
Un écosystème foisonnant innovant
Les chaînes de télévision, premières concernées par la Social TV ne sont pas les seules à devoir prendre en compte ce phénomène. Les acteurs traditionnels producteurs, annonceurs, éditeurs se partagent un écosystème complexe instable.
Au-delà des réseaux sociaux généralistes (Twitter, Facebook), des applications tierces ont fait leur apparition à la manière d’un GetGlue, Miso, Zeebox ou en France Devantlatele, TVcheck (Orange), Trendrr
Ces applications proposent plus ou moins les fonctionnalités suivantes :
- Des guide de programmes TV social (ce que vos amis regardent),
- Une plateforme pour faciliter les conversations autour des shows,
- Des outils d’analyse sur ce que l’utilisateur regarde. (mesure d’audience social TV).
De acteurs puissants venant du web, concurrents / partenaires des chaînes traditionnelles: Netflix, Hulu, Youtube. Ce dernier lance prochainement Youtube TV en Angleterre.
Mesures d’audience, à la recherche de ROI
Alors que les mesures traditionnelles de Nielsen ont du mal à identifier cette audience multi-écrans, il est manifeste que nous regardons autant la télévision sinon plus qu’auparavant, mais d’une manière différente plus individualiste. Regarder la TV implique maintenant la rencontre de contenu particulier, sur un appareil spécifique, dans un certain contexte social.
Les rapprochements et achats de spécialistes de la mesure social TV de la part des acteurs traditionnels, Nielsen en tête se renforcent cette année. Twitter n’est pas en reste avec l’acquisition récente de Bluefin Labs, spécialisé dans la mesure des commentaires et messages postés sur les réseaux sociaux.
Enfin, il est prévu pour l’automne 2013 un nouveau baromètre le Nielsen Twitter TV Rating, fruit du partenariat des acteurs les plus engagés sur cette activité. Combiner le feedback Instantané de Twitter avec les mesures de Nielsen bénéficiera à tout l’écosystème télévisuel, producteurs et partenaires publicitaires.
Nielsen Social TV from ArmentDietrich
Social TV : menaces / opportunités
L’audience sociale reste actuellement vraiment réduite face au nombre de téléspectateurs classiques mais elle est active et engagée. La fragmentation des audiences est inéluctable. Le risque pour les chaînes de télévision de perdre la maîtrise de la production de contenus et la diffusion sur le second écran est bien réel. La puissance des réseaux sociaux et des plateformes de partage vidéos, Youtube en tête, capables de marier création, diffusion des contenus, puissance des communautés, espace publicitaire au niveau international peut changer l’équilibre précaire actuel.
Faute de modèle économique certifié, il est cependant évident que les opportunités existent. L’activité social TV permet de renouveler et d’enrichir les programmes, de trouver de nouveaux espaces publicitaires, de rajeunir son public et de le retenir sur d’autres lieux. Le secteur télévisuel vit à son tour un décloisonnement des métiers avec de nouvelles formes de création complexes et enrichies. Pour notre plus grand bonheur ?
Ce sujet vous intéresse ? Voici quelques fils à suivre :
https://twitter.com/French_SocialTV
https://twitter.com/e_influenceur
https://twitter.com/socialTVtrends
https://twitter.com/devantlatele
https://twitter.com/TVcheck
https://twitter.com/Leshark75
https://twitter.com/tvtweet_fr
Approfondir vos connaissances
Les conversations lors de la conférence #SocialTV de la Social Media Week Paris 2013 #smwsocialtv
Etude très complète du CSA : Social TV France http://www.csa.fr/Etudes-et-publications/Les-etudes/Les-etudes-du-CSA/Premiere-approche-de-la-television-sociale
* Par Social TV nous entendons l’interaction sociale créée autour d’un contenu télévisuel distribué généralement par des chaînes. Dans cette nouvelle forme d’expérience télévisuelle, le téléspectateur devient producteur de contenu en interagissant avec ses communautés.